mercredi 27 juin 2007

Vers une pénurie de main-d'oeuvre en Europe?


Vers une pénurie de main-d'oeuvre en Europe?

Tandis que la Commission prévoit la création de quelques 5,5 millions d'emplois en 2007-2008, les dirigeants européens doivent relever des défis d'un autre type : trouver des employés pour occuper les postes vacants.

Selon les données publiées le 1er juin 2007 par le service des statistiques de la Commission européenne, Eurostat, le taux de chômage au sein de l'UE se stabilise autour de 7,1% en avril 2007, soit presque 1% de moins qu'en 2006, ramenant le taux de chômage en Europe à son niveau le plus bas depuis plus de 15 ans.

En 2006, 2 millions de nouveaux emplois ont été créés et, se fondant sur la hausse du taux de croissance à travers le continent, la Commission prévoit la création de 5,5 millions d'emplois pour 2007-2008 (EurActiv 08/05/07).

Cependant, malgré cette progression positive, un dilemme subsiste pour les entreprises et les dirigeants européens : celui de trouver des employés pour occuper les postes vacants et maintenir la croissance de l'économie.

Le déclin de la population en Europe, le vieillissement de sa main d'oeuvre et son manque de personnel qualifié se traduisent par une pénurie de main d'oeuvre, qui limite fortement la capacité d'innovation des entreprises de haute-technologie prépondérantes dans le processus de relance économique et devient rapidement l'un des plus grands obstacles à la compétitivité du continent.

Enjeux:

• La pénurie de main-d’œuvre

Selon les estimations de la Commission, près de 3 millions de postes seraient aujourd'hui vacants en Europe.
Alors que le problème ne touchait traditionnellement que les emplois sous-qualifiés, trouver des employés pour des postes qualifiés, comme les ingénieurs, devient de plus en plus problématique.
Dans la plus grande économie d'Europe, à savoir l'Allemagne, les vacances de postes d'ingénieurs ont connu une augmentation de près de 30% au cours de l'année dernière; elles se chiffrent à près de 23 000. Selon une étude menée par l'Institut pour l'économie allemande, le coût de ce manque de personnel pour l'économie allemande avoisine les 3,5 milliards d'euros par an.
Récemment, le conglomérat Siemens AG (ingénierie) a offert une récompense de 3 000 euros à quiconque pourrait lui venir en aide pour recruter un ingénieur, le groupe éprouvant des difficultés à gérer un carnet de commandes débordant.
Cette anecdote révèle la sévérité du manque de main-d’œuvre en Europe, un problème que rencontre également le secteur des technologies de l'information, qui contribue à plus de 5% du PIB de l'UE mais qui devrait faire face à une pénurie de personnel qualifié estimée à 300 000 postes vers 2010.

• Encourager le "vieillissement actif"

Les entreprises qui, pendant les années de récession économique, ont proposé une retraite anticipée à leurs employés les plus âgés, n'ont pas d'autre choix aujourd'hui que de réemployer ces "employés d'argent" afin de remplir les postes vacants.
22% de la population européenne ayant déjà plus de 60 ans, part qui devrait passer à 36% en 2050, les entreprises devront davantage faire appel aux employés plus âgés à l'avenir. L'UE encourage donc des politiques visant à allonger la période d'activité.L'interdiction des discriminations fondées sur l'âge, les mesures de formation tout au long de la vie et l'encouragement au niveau de la flexibilité du temps de travail représentent quelques mesures prises à cet égard (EurActiv 20/03/07).

• Ouvrir la porte aux travailleurs étrangers

Toutefois, faire travailler les Européens plus longtemps ne permettra pas de résoudre la crise de la main d'oeuvre en Europe sans autre mesure d'accompagnement.
L'UE a reconnu le rôle de la mobilité des travailleurs et des migrations pour triompher des goulets d'étranglement sur le marché du travail, mais les électeurs à ce jour se sont montrés réticents à embrasser ces options, que ce soit à travers l'élargissement européen, la candidature de la Turquie à l'adhésion à l'UE ou des règles d'immigration plus libérales.
Les anciens Etats membres comme l'Allemagne freinent encore l'ouverture de leur marché du travail aux travailleurs des dix nouveaux Etats membres (adhésion de 2004) en dépit des dramatiques pénuries que connaissent de nombreux secteurs.
Toutefois, les rapports venus de pays comme la Grande-Bretagne qui ont ouvert leurs portes aux travailleurs des nouveaux Etats membres, montrent que l'immigration de main d'oeuvre hautement qualifiée et peu coûteuse a permis aux entreprises de mieux faire face à la concurrence mondiale (EurActiv 23/11/06).

Partir à l'étranger

De plus en plus d'entreprises quittent l'Europe pour développer leurs activités dans des pays comme la Chine, où les coûts de main d'ouvre sont moins élevés et la demande plus forte. Si les postes d'ingénieurs ne peuvent être pourvus, la tendance devrait s'accentuer, grignotant progressivement la "masse critique" de l'Europe sur la scène mondiale.

Positions:

Le commissaire européen à l'emploi, Vladimír Špidla, estime que la libre circulation des travailleurs peut contribuer à lutter contre le chômage et à combler la pénurie de main d'œuvre en Europe : "Il faut reconnaître que l'absence de culture de la mobilité en Europe a un coût. La libre circulation des travailleurs est économiquement rationnelle et figure dans les traités de l'UE. Nous n'avons pas observé de tendances catastrophiques depuis l'élargissement". Au contraire, selon lui, imposer des restrictions a entraîné des "effets indésirables, comme la hausse du travail clandestin".
Herbert Buscher, économiste auprès de l'Institut Halle pour la recherche économique (IWH), est du même avis et soutient que l'Allemagne s'est "tiré une balle dans le pied en restreignant la libre circulation des travailleurs".
Dr. Willi Fuchs, directeur de l'Association des ingénieurs allemands (VDI), a déclaré ne s'attendre à aucune amélioration, étant donnée la stagnation du nombre d'étudiant ingénieurs. Il estime que les politiques devraient avoir davantage pour cible les jeunes générations et les écoliers. Selon Michael Schwartz, porte-parole de la VDI, "la profession d'ingénieur rencontre un problème d'image. Les jeunes s'imaginent encore que les ingénieurs portent des bleus de travail et passent leurs journées au milieu des machines. Aujourd'hui, les gens ne sont que des consommateurs de technologie".

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