Avant son départ en Guyane, le président a fait une surprise à ses concitoyens : une allocution sur l'adoption du Traité de Lisbonne. Un sujet dont il voulait éviter qu'il fasse l'objet d'un débat public. Une réussite…
Certes Nicolas Sarkozy traverse une très mauvaise passe, les résultats se font attendre, la Sarkozie est aux abois, le rapport Attali s'est révélé potentielle étincelle, la communication du président de la République, jugée révolutionnaire par les experts du genre, se révèle un fiasco lorsqu'il s'agit de faire passer aux Français un message fort.
Comme souvent dans pareils cas, c'est en convoquant l'Europe que le président a tenté de reprendre la main et un peu de hauteur. En son temps déjà, François Mitterrand, passé le difficile tournant de la rigueur en 1983, avait lancé le chantier de la construction européenne aux côtés du chancelier Helmut Kohl. Elargissement de la communauté européenne, renforcement des liens franco-allemands et adoption du Traité de Maastricht qui vit la naissance de l'union européenne.
Incapable de répondre, à court terme, aux inquiétudes des Français, Nicolas Sarkozy tente le même pari. Pour le moins osé : le projet européen ne suscite plus le même enthousiasme que sous l'ère Mitterrand, plutôt un profond scepticisme voire, plus grave, un total désintérêt qui confine pour certains au rejet. L'intervention solennelle du président en était la meilleure preuve : une litanie de clichés, à peine prononcés déjà oubliés et très peu commentés. Avec toujours ce message subliminal qui sonne comme un aveu de faiblesse politique : c'est désormais au niveau européen que se prennent les décisions politiques. L'argument est d'autant plus redoutable qu'il est pertinent. Et se défausser sur le « niveau européen », lorsqu'on s'est présenté comme le président qui allait reprendre la main, l'est d'autant plus.
Le retour –sans le peuple- de la France en Europe ?
C'est donc le Congrès réuni à Versailles qui a déjugé le peuple de France. Une procédure que Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à qualifier de « succès » ajoutant qu'elle annonçait « le retour politique de la France en Europe ». Un retour malgré le peuple.
L'Europe pour faire diversion
Par delà les mots, domaine où le président parvient toujours à faire à peu près illusion, quels objectifs ?
Le Président a enfoncé les portes ouvertes sur le projet européen : une Europe plus protectrice, « grande puissance, faisant valoir son point de vue et défendant ses intérêts, comme le font toutes les autres grandes puissances dans le monde ». Il a également souhaité que la présidence française, qui démarrera le 1er juillet prochain, propose à ses partenaires « une stratégie de développement durable, une politique commune de l'immigration, une défense européenne et une refondation de la politique agricole ».
Du Sarkozy pur et dur. Quand une séquence ne prend pas (pouvoir d'achat, politique de civilisation), une seule solution : allumer aussitôt un contre-feu pour faire diversion. C'est désormais vers l'Europe qu'il va donc falloir se tourner. A ce détail près qu'il faudra, sans doute, beaucoup plus que quelques beaux discours sur l'Europe de la défense, une politique commune de l'immigration, et la Politique agricole commune (PAC) pour redonner du souffle à un projet politique européen qui reprend péniblement sa marche en avant à la seule condition que les peuples sensés composés cette union ne soient écartés de sa mise en œuvre. Construire une union qui se voudrait puissante en s'exonérant de la légitimité des peuples qui la composent. Voilà une belle preuve d'impuissance.
Mardi 12 Février 2008
Régis Soubrouillard
Source : Marianne.fr
Pour rappel, la France est à la tête de l'Europe, le 1er juillet 2008 !!!!