mardi 12 février 2008

Allocution du président : sitôt prononcée, déjà oubliée.........



Avant son départ en Guyane, le président a fait une surprise à ses concitoyens : une allocution sur l'adoption du Traité de Lisbonne. Un sujet dont il voulait éviter qu'il fasse l'objet d'un débat public. Une réussite…


Certes Nicolas Sarkozy traverse une très mauvaise passe, les résultats se font attendre, la Sarkozie est aux abois, le rapport Attali s'est révélé potentielle étincelle, la communication du président de la République, jugée révolutionnaire par les experts du genre, se révèle un fiasco lorsqu'il s'agit de faire passer aux Français un message fort.
Comme souvent dans pareils cas, c'est en convoquant l'Europe que le président a tenté de reprendre la main et un peu de hauteur. En son temps déjà, François Mitterrand, passé le difficile tournant de la rigueur en 1983, avait lancé le chantier de la construction européenne aux côtés du chancelier Helmut Kohl. Elargissement de la communauté européenne, renforcement des liens franco-allemands et adoption du Traité de Maastricht qui vit la naissance de l'union européenne.

Incapable de répondre, à court terme, aux inquiétudes des Français, Nicolas Sarkozy tente le même pari. Pour le moins osé : le projet européen ne suscite plus le même enthousiasme que sous l'ère Mitterrand, plutôt un profond scepticisme voire, plus grave, un total désintérêt qui confine pour certains au rejet. L'intervention solennelle du président en était la meilleure preuve : une litanie de clichés, à peine prononcés déjà oubliés et très peu commentés. Avec toujours ce message subliminal qui sonne comme un aveu de faiblesse politique : c'est désormais au niveau européen que se prennent les décisions politiques. L'argument est d'autant plus redoutable qu'il est pertinent. Et se défausser sur le « niveau européen », lorsqu'on s'est présenté comme le président qui allait reprendre la main, l'est d'autant plus.

Le retour –sans le peuple- de la France en Europe ?

Dans son allocution, le président s'est prêté à un rude exercice de louvoiement rappelant que la voie parlementaire avait été clairement proposée aux Français durant la campagne présidentielle et que, après le rejet de la Constitution par référendum, il n'était pas question de demander au peuple français de « se déjuger ».

C'est donc le Congrès réuni à Versailles qui a déjugé le peuple de France. Une procédure que Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à qualifier de « succès » ajoutant qu'elle annonçait « le retour politique de la France en Europe ». Un retour malgré le peuple.

L'Europe pour faire diversion

Par delà les mots, domaine où le président parvient toujours à faire à peu près illusion, quels objectifs ?
Le Président a enfoncé les portes ouvertes sur le projet européen : une Europe plus protectrice, « grande puissance, faisant valoir son point de vue et défendant ses intérêts, comme le font toutes les autres grandes puissances dans le monde ». Il a également souhaité que la présidence française, qui démarrera le 1er juillet prochain, propose à ses partenaires « une stratégie de développement durable, une politique commune de l'immigration, une défense européenne et une refondation de la politique agricole ».

Du Sarkozy pur et dur. Quand une séquence ne prend pas (pouvoir d'achat, politique de civilisation), une seule solution : allumer aussitôt un contre-feu pour faire diversion. C'est désormais vers l'Europe qu'il va donc falloir se tourner. A ce détail près qu'il faudra, sans doute, beaucoup plus que quelques beaux discours sur l'Europe de la défense, une politique commune de l'immigration, et la Politique agricole commune (PAC) pour redonner du souffle à un projet politique européen qui reprend péniblement sa marche en avant à la seule condition que les peuples sensés composés cette union ne soient écartés de sa mise en œuvre. Construire une union qui se voudrait puissante en s'exonérant de la légitimité des peuples qui la composent. Voilà une belle preuve d'impuissance.


Mardi 12 Février 2008
Régis Soubrouillard

Source : Marianne.fr


Pour rappel, la France est à la tête de l'Europe, le 1er juillet 2008 !!!!

jeudi 7 février 2008

Ratification du Traité de Lisbonne aujourd’hui à l’assemblée nationale


Europe : Mathus, Montebourg et Nesme n’approuveront pas le texte


Le 29 mai 2005, la Saône-et-Loire s’était exceptionnellement démarquée de la moyenne nationale en votant non à 59,30 % contre le traité constitutionnel européen (54,95 % en France). Aujourd’hui, un autre traité, similaire sur la forme, va être soumis au vote des députés et des sénateurs. Comment voteront les élus du département ?

L’Assemblée nationale et le Sénat se prononcent aujourd’hui sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité européen de Lisbonne. Parmi les neuf parlementaires de Saône-et-Loire, deux, les députés socialistes Didier Mathus et Arnaud Montebourg, ne prendront pas part au vote. Le député UMP Jean-Marc Nesme s’abstiendra. Tous les autres devraient approuver le texte, conformément à leur opinion exprimée lors du référendum de 2005.

Jean-Marc Nesme, député du Charolais-Brionnais, sera vraisemblablement l’un des rares parlementaires de droite à choisir l’abstention. Explication : l’annexion au traité de la Charte européenne des droits fondamentaux. « Cette charte possède une valeur juridique contraignante pour les Etats signataires et elle dépossède le Parlement de ses prérogatives en matière de droit des personnes et de droit de la famille. Elle ouvre la porte à la dépénalisation de l’euthanasie, au suicide médicalement assisté, au mariage et à l’adoption homosexuels. Elle est contraire à la Déclaration universelle des droits de l’Homme et à la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée en 1989… » Jean-Marc Nesme se pose la question de la « légitimité de la charte par rapport aux textes internationaux votés à l’unanimité par les Etats membres de l’ONU ». Mais il ne dira pas non au traité, parce qu’il le juge « porteur d’améliorations du fonctionnement de l’Europe ». De son côté, Jean-Paul Anciaux votera oui, sans états d’âme. Le député de la 3e circonscription salue « la performance d’avoir réussi que 26 autres Etats votent le même document ». « On sort de cette crise dans de bonnes conditions, et c’est à porter au crédit du Président de la République et du gouvernement. Qu’auraient pensé nos partenaires européens si à la veille de prendre la présidence de l’Europe, nous n’avions pas ratifié le traité ? » 59 % des électeurs de Saône-et-Loire se sont cependant prononcés contre le texte originel en 2005. Mais le parlementaire estime qu’il n’y a pas décalage avec l’opinion : « ces 59 % n’ont pas tous voté contre l’adoption de la Constitution, ils ont réagi à la situation politique du moment. On aurait dû dès cette époque recourir au Parlement, car le Parlement représente la nation… »
À gauche, la situation apparaît confuse, avec un Parti socialiste divisé : lors du vote, lundi, sur la révision de la Constitution préalable à la ratification, 153 parlementaires, soit plus de la moitié des groupes socialistes de l’Assemblée et du Sénat, n’ont pas suivi les consignes d’abstention données par la direction du PS (121 ont voté contre, 32 pour).

Didier Mathus, Arnaud Montebourg et Christophe Sirugue ont tous les trois rejoint le camp du non à l’adoption par la voie parlementaire. « Il n’est pas honnête de contourner le vote du peuple par la voie parlementaire. Je maintiens l’idée que seul un référendum pouvait statuer à nouveau sur cette question » explique Didier Mathus. « J’ai voté non car je défends la procédure référendaire » ajoute Arnaud Montebourg. Les deux députés, qui s’étaient prononcés contre le traité en 2005, n’ont pas varié. Ils ne prendront pas part au vote aujourd’hui pour ne pas cautionner le choix du Président de la République. « Je trouve ce débat illégitime puisqu’il se substitue au débat qui aurait dû être ouvert avec la population » affirme notamment M. Mathus. Christophe Sirugue a voté lui aussi contre la révision de la constitution préalable à la ratification, - « la position du Parti Socialiste est trop ambiguë pour être défendue, car nous avons porté l’idée d’un référendum lors de la campagne présidentielle »- mais il se prononcera aujourd’hui en faveur du traité de Lisbonne. « Je distingue bien la méthode et le fond. Sur le fond, ce texte représente une avancée pour l’Europe. J’étais favorable au oui en 2005, je n’ai pas changé ».

Propos recueillis
par J-Ph. Chapelon

Ph. Baumel : « le peuple trahi »
Philippe Baumel, président des élus socialistes et républicains de Saône-et-Loire dénonce, dans un communiqué, « le peuple trahi ». « Le peuple dit non, qu’à cela ne tienne, les institutions vont dire oui, quand même, sans sourciller. À partir de là, incontestablement, sera nourri une fois de plus le rejet, le repli, d’une part croissante des électeurs qui ne peuvent que constater que leur avis n’est pas respecté, que leur vote est nié » écrit M. Baumel. Le président de l’UDESR parle d’un « déni de démocratie ». Evoquant le « non » des parlementaires socialistes de S.-et-L. à la révision constitutionnelle, il l’assimile à un « acte de résistance, dans un contexte où l’essentiel semble atteint dans nos institutions, c’est-à-dire le respect du vote du peuple ».

Source : JSL 07/02/2008

mercredi 6 février 2008

Le Traité de Lisbonne adopté par le Congrès de Versailles



Le Traité de Lisbonne, ou le déshonneur des démocrates

Le Congrès a adopté lundi 4 février la réforme de la Constitution qui permettra l'adoption du Traité de Lisbonne. Histoire d'une défaite… en chantant.

L'affaire est entendue : l'adoption par le Congrès du Traité de Lisbonne montre que les élites ont bien intégré le «non» au référendum de 2005. Mais cela ne signifie pas pour autant que les leçons tirées soient favorables au peuple et à la démocratie.
Du côté des médias, à la notable exception près de Libération et de France Inter, en nette rupture avec leur européisme béat qui avait choqué leurs lecteurs en 2005, l'affaire du référendum a été traitée avec l'indifférence et la discrétion souhaitée par le pouvoir et l'opposition désireux d'éviter tout débat. Ainsi Le Figaro du 4 mai ne traite le vote du Congrès que comme une sorte de « vote technique » et Le Monde quant à lui ne mentionne même pas le vote.

Une opposition un peu perdue
Un effort de mémoire suffit pour se rappeler la déclaration de Nicolas Sarkozy au lendemain du référendum sur le Traité constitutionnel européen, telle que France Inter l'a rediffusée lundi matin 4 février. Sa déclaration, un peu solennelle, manifestait son écoute et son respect à l'égard du vote des Français. Principale leçon tirée par le Président, dès son entrée en fonction : les affaires européennes sont trop sérieuses pour être laissées au bon vouloir du peuple. En revanche, le Président a fait le pari de convaincre son opposition de valider l'adoption en force, via le Congrès, d'un texte dont son principal inspirateur lui-même, Valéry Giscard d'Estaing, a déclaré qu'il était l'exacte reproduction du TCE.
Ce pari a, hélas, été gagné facilement par le Président. François Bayrou ne s'est guère exprimé sur le sujet, et le PS a raté une occasion de se réconcilier avec les nonistes et de ressouder ses propres rangs. Il aurait suffi aux socialistes de défendre une position commune aux partisans du « oui » et aux partisans du «non» : l'exigence d'un référendum, puisque la candidate Ségolène Royal s'était engagée à soumettre tout projet de nouveau traité au suffrage universel.
Mais non ! Entre la solidarité avec les élites et le principe démocratique, la majorité des socialistes, y compris certains partisans du «non» comme Arnaud Montebourg, ont choisi : ce sera «oui» à Sarkozy et «non» au référendum.

Une image décourageante de la démocratie
Lundi matin sur France Inter, Pierre Moscovici n'était pas à la fête pour justifier ce choix. Comment expliquer la position du PS, favorable à un référendum alors qu'il n'a pas agi de la seule façon qui pouvait l'imposer : voter «non» à la réforme de la constitution pour obliger le Président à organiser un référendum. Ce que Libération appelle « le dernier tour de piste des nonistes » aurait pu être la première victoire de l'opposition. Jean-Luc Mélenchon a raison de dire : « on aurait pu faire mettre un genou à terre à Sarkozy. Il va gagner, pas par sa force mais par nos faiblesses. »
En avalisant le Traité de LIsbonne, la droite et la gauche française ne commettent pas seulement une forfaiture, ils se mettent durablement en position d'impuissance. Ce qui les conduira le président de la République à déplorer l'euro fort sans pouvoir influer sur la Banque centrale européenne, ou, le PS à dénoncer l'absence de fiscalité européenne sans pouvoir l'imposer à la Commission de Bruxelles.
La droite comme la gauche spéculent sur les facultés d'oubli de la population. Espérons qu'ils se trompent : Cécilia Sarkozy en tête de gondole des livres vendus, Ségolène Royal à Vivement Dimanche et le mariage à l'Elysée dessinent une image dégradée et décourageante de la démocratie française. Ce n'est pas en regardant ailleurs que l'on contribuera à son renouveau. Il ne nous reste plus qu'à espérer des Irlandais ou des Anglais qu'ils disposent le grain de sable utile à la préservation de la souveraineté populaire.


Mardi 05 Février 2008 - 00:05
Philippe Cohen

Source : Marianne.fr